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Passion de Saint Georges

Passion de saint Georges

Résumé (texte complet ici)

Dioclétien, appelé Dadian, avec ses quatre associés demande à tous les rois de tous les pays d'éradiquer le christianisme. Georges, tribun originaire de Cappadoce vient d'achever sa vie militaire et propose ses services à l'empereur en tant que comte.

Devant l'ampleur de la persécution, il donne ses biens aux pauvres et se présente devant l'empereur en se proclamant chrétien trinitaire. Magnence l'interroge et Dioclétien le condamne à subir le supplice des griffes et de la roue, puis Georges est mis au tombeau, dans la fosse. Dieu lui même par la main de l'archange Gabriel le ressuscite.

Georges se présente à nouveau devant l'empereur. Son courage décide le général Antonin et toute sa légion à se dire chrétiens. Antonin et sa légion subissent le martyre. Quant à Georges, l'empereur lui fait subir l'épreuve des souliers à clous, Georges persévère dans l'expression de sa foi. L'empereur le condamne à être flagellé.

Après le fouet, Magnence demande un signe de Georges qui lui permette de croire en Dieu : que les quatorze sièges de l'Empire faits de bois mort repoussent et refleurissent. Ce que fait Georges et qu'observe Magnence.

Suit un récit curieux. Le gouverneur Traquillinus lui demande de ressusciter les morts contenus dans un certain sarcophage pour croire en Dieu. Georges intercède auprès de Dieu qui a mis à sec la mer des papyrus ; il les ressuscite au nombre de trois cent. Les païens morts dans les tourments de l'enfer demandent à connaître le Christ pour ne plus y retourner, ce qu'accorde Georges par le baptême, et les morts vont au Paradis.

Devant la puissance du saint, l'empereur demande non plus de le martyriser mais de le déshonorer, en le faisant cohabiter avec une veuve, pauvre prostituée. Georges s'appuie sur un pilier qui devient un grand arbre. Avec l'aide de saint Michel il nourrit et convertit la veuve avec son fils. Son fils aveugle et estropié retrouve la vue et la marche. Il devient le porte parole de Georges. L'arbre du jardin de la veuve grandit et resplendit.

L'empereur change de stratégie pour ramener Georges au paganisme. Il le comble de bienfaits, le nomme ministre et lui promet qu'il sera son successeur à la tête de l'Empire s'il sacrifie aux dieux. Georges donne son accord ; la veuve en est scandalisée. Il se rend au temple avec le fils de la veuve et questionne les idoles. Les démons en sortent et George les envoie en enfer, il brise les idoles. Ne reste plus que Dieu seul, qu’honore Georges.

Dioclétien relate ces faits à sa femme, la reine Alexandra. Alexandra lui confesse sa foi chrétienne et subit le martyre après avoir demandé le baptême à Georges. Georges est alors décapité après avoir prié pour que ceux qui seront dans la même situation que lui soient sauvés et que leur fautes ne leur soient pas comptées. Il prie également qu'à l'invocation de son nom le pays devienne un pays où les boiteux marchent, les aveugles voient, et prie que Jésus-Christ envoie le feu qui dévore le roi et les cinquante qui n'ont pas cru devant les actes de Georges.

Décryptage et explications :

La passion de saint Georges est une catéchèse qui rassemble des faits variés en vue de l'édification des fidèles.

Tous les rois de tous les pays : L'Empire c'est le monde disent les Romains. Les rois sont les gouverneurs des 14 diocèses ou des 70 provinces de l'Empire. Les pays sont ainsi les diocèses où les provinces. Hors du monde sont les barbares.

Dadian : Roi des Perses. Dioclétien était qualifié de roi persique pour avoir vaincu les Perses. Dadian serait un diminutif de Dalmate, sa province d'origine. On lui donne aussi le surnom de Dacien, provenant de Dacie qui n'est pas très éloignée et dont est originaire le co-empereur Galère. Vu d'un Palestinien, Dalmatie, Panonie ou Dacie, c'est bien la même chose.

Les quatre associés : la Tétrarchie, les deux empereurs Dioclétien-Jupiter et Maximien-Hercule, les deux Césars Galère et Constance Chlore.

Georges : né en Cappadoce, est aussi Galiléen dans ce texte. D'autres traditions précisent le lieu de sépulture en Palestine à Lydia, anciennement Discopolis, l'actuel Lods, près de Tell-Aviv.

Tribun, stratolatos : Officier supérieur, général d'armée.

Comte : ministre de l'empereur, celui qui mange avec lui.

Supplices : Les nombreux supplices montrent la persévérance de Georges et l'aide permanente de Dieu.

Fosse : Il faut comprendre que Georges, laissé pour mort, est mis dans un tombeau fermé par une pierre.

Antonin : Rappel du martyre de saint Maurice et de légion Thébaine anéantis dix huit ans avant la grande persécution par Maximien, martyre peu connu en Orient.

14 sièges : les quatorze diocèses de l'Empire ; les sièges de bois mort représentent les provinces où le christianisme a disparu par la persécution. Elles refleurissent après Constantin, redevenues chrétiennes. C'est une métaphore du temps de la rédaction de la passion de Georges. En effet, Georges est interrogé par Magnence, l'empereur païen. L'auteur observe que Magnence a vu refleurir le bois mort. Montrerait-il sa conversion au christianisme trinitaire lors de sa lutte contre l'empereur arien Constance II ? Les dernières monnaies de Maxence portent effectivement le chrisme, elles en témoignent !

Morts du paganisme : Catéchèse sur l'au-delà, sur l'éternité. L'auteur signifie que par la prière, les vivants peuvent intercéder pour tous les défunts quelle qu'ait été leur vie, en particulier pour ceux qui n'ont pas connu Jésus-Christ. Il profite de la rédaction de cette passion pour transmettre le message par la bouche du saint : la prière des vivants intercède auprès de Dieu qui par la Pâque a libéré les Israelites de l'esclavage d'Égypte en asséchant la mer Rouge, la mer des papyrus.

Veuve : Discours sur l'humilié chrétienne. Vivre avec des pauvres, voire avec une prostituée, c'est une infamie pour les princes ; ce ne l'est pas pour un chrétien, au contraire, la veuve et l'orphelin sont les protégés de Dieu dit la Bible (Deut, 10, 8 ; Exode, 21, 22). L'archange saint Michel, l'envoyé de Dieu, vient à son secours. L'arbre est le symbole du Dieu vivant, il est au milieu du jardin et grandit à l'admiration de tous en lieu et place d'une idole de pierre, d'un pilier inerte. Le fils de la veuve éclairé par Georges peut affronter les démons sans crainte.

Fils de la veuve : On observe ici la reprise du récit d'Élie et de la veuve de Sarepta. La nourriture ne manque pas et le fils est ressuscité. Mais ce peut être aussi une reprise du mythe d'Isis et Osiris. Georges est coupé en morceaux comme Osiris. Horus, fils de la veuve Isis, de chétif, aveugle et boiteux, devient celui qui rétablit l'équilibre divin par la magie de sa mère Isis. Il chasse Seth le dieu du mal. Dans la vision gnostique c'est la veuve (mère d'Hiram, Isis, ou Médée) qui par magie ouvre les yeux de son fils. Le fils de la veuve est le franc-maçon qui se dégage du mal par l'initiation, l'arbre est l'acacia qui renait à la réapparition du soleil de la connaissance. Plus tôt dans ce récit, ce n’était pas la veuve, ce n’était pas Isis qui collationnait les morceaux découpés pour faire revivre Osiris, c'est l'archange Gabriel qui fait sortir Georges du tombeau. Ce n'était pas la veuve qui ouvrait les yeux de son fils, mais Georges. Ce n'était pas le fils de la veuve qui a dévoilé les dieux, mais bien Georges, le saint héro de Dieu. Le récit est bien chrétien !

Sept ans de martyre : le temps entre le décret de persécution sanglante début 304 et sa fin par l'édit de Sardique de l'empereur Galère du 30 avril 311.

Georges brise les Idoles : Georges dévoile la supercherie des dieux romains et terrasse le démon, le fait disparaître en enfer, dans la fosse. Ce dévoilement est la cause de conversion de la reine.

Alexandra : Elle est identifiée à Priscia l'épouse de Dioclétien. Celle ci chrétienne est restée l'impératrice et n'est pas martyrisée par son mari. À la mort de celui-ci en 305, Priscia rejoint sa fille Valérie qui avait été mariée au co-empereur Galère. Valérie est aussi chrétienne. À la mort de Galère en 311 Alexandra et sa fille sont sous la domination de Licinius, Elles mourront toutes deux martyrs en 314.

N'ayez pas peur : Cette phrase de Georges à Alexandra reprend l'évangile de Matthieu (Mat, 10, 26) racontant l'envoi en mission des disciple, les prévenant qu'ils seront détestés, persécutés, "qui a perdu sa vie pour moi la trouvera" dit Jésus.

La prière : Elle est exaucée, les rois de l'Empire Romain païen sont dévorés sauf Constantin, celui qui a vu et a cru dans le signe de feu du Dieu tout puissant avant la bataille du Pont de Milvius.

Date : Les Actes de saint Georges semblent être écrits entre 360 et 380 dans la province d'Orient. Ils incorporent dans leur texte un ensemble de faits relatifs à la grande persécution des chrétiens sous Dioclétien mais aussi beaucoup d'autres qui ne sont pas nécessairement liées à Georges. En particulier le martyre de saint Maurice et de la légion Thébaine, appelé ici martyre du général Antonin et de sa légion, qui eut lieu vers 286 dix sept ans avant le début de la grande persécution par le général Maximien, le véritable instigateur de la persécution.

Ces Actes font curieusement participer à l’interrogatoire de Georges, Magnence, empereur usurpateur païen en 350-353 nommé dans le texte grec soit Magentios soit Magnetios. Magnence revient au paganisme pendant la période arienne de l'Empire ; ce fait a dû inquiéter l'auteur déjà troublé par les persécutions des chrétiens trinitaires du fait de l'empereur arien Constance II. Le commentaire sur les quatorze sièges de rois, les quatorze diocèses de l'Empire, montre que les actes sont écrits avant Théodose et après Magnence. En effet le christianisme mort sous Dioclétien, renait avec Constantin qui a vu le signe de feu du Dieu des Chrétiens, certains diocèses grandissent sans fleurir, ceux des empereurs ariens d'Orient, d'autres fleurissent, ceux gouvernés par des empereurs chrétiens trinitaires. Après Théodose les quatorze sièges sont trinitaires, il fleuriront tous.

Véracité historique : L'objet de ce texte est évidemment la catéchèse à l'usage des fidèles par l'exemple de la vie d'un grand témoin et non la rigueur historique. Cependant on retrouve des détails confirmé par le témoignage d'Ambroise de Milan datant de la même époque, mais dans la partie latine de l'Empire. Ambroise précisait que « Georges reçut de la grâce divine une telle constance dans la foi qu’il méprisa les ordres du pouvoir tyrannique et ne craignit pas les tourments de peines innombrables. Ô l’heureux et illustre combattant de Dieu, qui non seulement ne s’est pas laissé séduire par la promesse caressante d’un royaume temporel, mais, après avoir trompé son persécuteur, a encore précipité dans l’abime la monstruosité de ses statues ! » Tout le récit de la passion grecque se trouve résumé dans ces quelques lignes : les supplices sans nombre, la constance dans la foi, le haut rang de Georges peut-être destiné à succéder à l'empire, la réfutation de la religion païenne. Ambroise associe dans le même sermon le martyre de la reine Alexandra à celui de Georges, du fait de la proximité de Georges et de Dioclétien. Ce sont deux hauts personnages au plus près de Dioclétien qui sont célébrés en même temps : « C’est pour cela aussi que la reine des nations perses, après la cruelle condamnation édictée par son mari, alors qu’elle n’avait pas encore obtenu la grâce du baptême, a mérité la palme d’une glorieuse passion. On ne peut douter que le fait d’avoir versé le flot rosé de son sang lui ait valu de passer les portes fermées du ciel et de posséder le royaume du ciel. » La reine des nations perse est évidemment la femme de l'empereur qui a vaincu les perses, l'empereur Dioclétien, César et Persique. Ambroise utilise-t-il le texte de la passion grecque pour son sermon, ou rapporte-t-il ces faits par une autre voie ? Quelle que soit la réponse, Ambroise apporte indéniablement son autorité aux éléments qu'il rapporte !